Ҩ HISTOIRE:


Pour moi, les choses futiles, comme l'amour, était bien trop ridicule pour que j'y fasse attention. J'étais simplement parti voir un match de quidditch. J'étais jeune, à l'époque. 16 ans, à tout casser. Je n'étais pas ce genre de mec, ceux qui se mettent en couple sur un coup de tête. Une preuve de plus que nous ne sommes pas totalement maître de notre destin. Parfois, c'est lui qui choisit pour nous.

Les années se sont écoulées. Et sans surprise, elle et moi nous nous sommes fiancés. Je suivais des études de médicomage, et elle, de /////. On avait tout pour être heureux. On avait vraiment tout. On était de ces rares chanceux, qui ont réussis à échapper à l'horreur du monde. On se croyait uniques. On se croyait protégés en quelques sortes. On était naïfs, on était tellement naïfs. On a juste pensé qu'au fond, on serait peut être épargnés. Peut être qu'on ferait partis de ceux qui ont eu la chance de vivre une vie paisible, et à notre goût. Mais parfois, la vie décide de vous jouer de mauvais tours. Parce que c'est plus simple d'être cruel que généreux.

Alors que j'étais jeune médicomage, je suis tombé sur un cas plus compliqué que ceux que j'avais pu rencontrer auparavant. Elle était gravement blessée, et je la soignais, jour après jour. Elle avait perdu son bébé, lors de cette agression.

Nous sommes restés amis. Et puis le sort en a décidé autrement. Les choses ont changés. En une fraction de seconde. Comme quoi, le cours des choses est aléatoire. Personne ne peut savoir ce qui se passera. On monte dans une voiture, on se fait rentrer dedans par un chauffard, et d'un seul coup, tout devient noir, et tellement silencieux.


J'avais attendu. Tous les jours. On attends parce qu'on espère tellement que quelque chose va se produire. Un miracle. On vit au dépend d'une illusion, d'un monstre qui aspire nos forces. Je me disais que je pouvais encore attendre. Mais je me mentais à moi même. Je vivais dans ce monde où personne ne pouvait me rejoindre. Où je ne me rendais même plus compte des années qui passaient. J'ai juste eu cette impression de voir quelques minutes défiler. Rien de plus. Elle a été là, longtemps. Je pouvais sentir son odeur, je pouvais presque la voir sous mes paupières closes. Je pouvais entendre sa voix, ses sanglots. Et je continuais à rêver de pouvoir y faire quelque chose, mais je restais toujours là, allongé. Mort sans l'être totalement. Je hurlais à m'en briser la voix. Je hurlais sans qu'elle ne puisse m'entendre. J'ai accepté le fait que ce n'était peut être pas le moment. Que mon corps n'était pas prêt.

J'étais celui qui était parti. J'étais le lâche. Elle ne pouvait pas m'atteindre. Je ne pouvais pas l'empêcher de partir. Je rêvais encore. Elle serait là, elle sourirait. Elle m'attendrait. Et les minutes seraient oubliées. On nourrit tous des rêves impossibles. Et un jour, on se réveille, et on découvre que tout ce qu'on a pu imaginer était bien loin de la réalité. C'est là que la chute nous fait le plus mal. La découverte du mensonge qu'on s'est infligé à soi même. Le mensonge qui nous maintenant en vie. Celui qui nous tuait à petit feu.

Je l'ai vu disparaître, peu à peu. Elle m'échappait. Je n'entendais plus le bruit de son pas chaque jour. La fréquence se ralentissait. Puis un jour, elle a disparu, totalement. Elle n'était plus là. C'est comme quand on a l'impression d'avancer et que soudainement, tout s'écroule en dessous. Et on ne peut plus rien faire pour l'arrêter. Elle était prête, elle savait qu'elle avait trop attendu. Moi, je ne m'en étais pas rendu compte. Et je ne pouvais pas utiliser des mots pour la retenir. J'en étais incapable. Et je m'en voulais. Mais à ce moment là, je m'en fichais. Je me disais qu'elle reviendrait. Et que je serais capable de me faire pardonner. Que rien n'était perdu. Quel imbécile j'ai été.

Puis c'est arrivé, soudainement. Comme si rien ne s'était passé. J'avais cette impression de me réveiller d'un mauvais rêve, ceux qui durent une éternité. Ceux qu'on préfère oublier aussi rapidement. Mais on ne les oublie jamais. Ils restent toujours en nous, quelque part, dans nos têtes. Sans qu'on puisse les saisir. Ils sont intouchables. Simplement là. J'avais le sourire. Parce que ce n'était qu'un rêve. Rectification. Je croyais que ce n'était qu'un rêve.


Vous savez, dans ces cas là, on s'imagine une centaine de scénarios. On prie pour ne pas disparaître. On supplie le monde entier de nous rendre ce qu'il nous a arraché de force. On lui demande à genoux de tout changer, de tout recommencer. Le médecin est rentré. Il m'a regardé, l'air ébahi. Comme si j'étais un miraculé, un monstre, un alien. Et il m'a tout dit. Je l'avais abandonné. Pas seulement pour quelques minutes. Ni pour quelques heures. Il venait de balayer onze ans de ma vie. Ils étaient parti, englouti par le coma. Par mon sommeil presque éternel. Elle n'est jamais revenue. Elle avait un mari, un enfant. Une vie parfaite, et je l'ai tellement haï pour ça. Parce que je me disais que je l'aurai attendu. J'étais jaloux. Je n'avais plus rien, seulement le vide. On croit que l'amour est éternel. Je le croyais aussi. Je croyais que je pourrais tout arranger, comme à chaque fois. Mais j'ai échoué. J'étais seul. Perdu dans le flot des souvenirs que je n'aurai jamais plus à partager avec elle. Perdu dans le futur imaginaire que l'on s'était construit. Celui qu'on ne connaîtrait jamais.